
Roald Amundsen : Le "Dernier des Vikings" & Explorateur Polaire
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Il y a des hommes qui suivent les cartes… et d’autres qui les redessinent. Roald Amundsen appartenait à la seconde espèce — celle des rêveurs obstinés, des capitaines du froid, des âmes guidées non par les étoiles, mais par l’appel du vide blanc. On l’appelait « le dernier des Vikings ». Et ce n’était pas une légende. C’était un avertissement.
Né en 1872 dans une Norvège balayée par les vents du Nord, Amundsen n’a jamais vraiment été de ce monde. Il a vécu là où la carte se tait, là où le silence pèse plus lourd que la glace. Premier homme au Pôle Sud, pionnier du passage du Nord-Ouest, explorateur infatigable des confins gelés — il n’a cessé de pousser les limites du possible, jusqu’à s’y perdre lui-même.
Disparu sans laisser de trace dans les brumes de l’Arctique, son nom flotte encore entre les icebergs comme une promesse inachevée. Une vie marquée par l’audace, le mystère… et un seul cap : toujours plus loin.
Voici l’histoire d’un homme qui n’a pas seulement exploré les pôles. Il les a conquis. Et s’y est fondu.
Une Jeunesse Façonnée par l'Appel de la Mer et de l'Aventure
Roald Amundsen est né dans une lignée de capitaines — des hommes au regard tourné vers l’horizon, les mains marquées par les cordages, et le cœur arrimé au large. Fils de Jens Amundsen et de Hanna Sahlqvist, il voit le jour à Borge, dans une Norvège où la mer n’est jamais loin. Mais si l’océan coule dans ses veines, sa mère rêve pour lui d’un destin plus stable : celui d’un médecin. Il obéit un temps, s’inscrit en 1890 à la royale université Frederick de Christiania... avant que la vie ne lui ouvre, brutalement, une autre voie.
À seulement 21 ans, Roald perd sa mère. Son père était déjà parti quelques années plus tôt. Plus rien, désormais, ne l’attache à la terre. Il quitte la médecine sans se retourner, poussé par une fièvre qu’aucun remède ne saurait calmer : celle de l’exploration. Depuis toujours, les récits des expéditions de Sir John Franklin en Arctique nourrissaient ses rêves les plus fous. Désormais, il ne se contente plus de lire — il veut marcher dans leurs traces.
Loin des amphithéâtres, il commence à forger son corps comme une machine taillée pour le froid : fenêtres ouvertes l’hiver, ski dès le plus jeune âge, et bientôt, un poste sur un baleinier qui fend les mers arctiques à la recherche de proies et d’enseignements. C’est sur ces eaux gelées qu’il apprend, patiemment, les lois du Nord.
Puis vient enfin le premier vrai départ. En 1897, il embarque comme second sur le Belgica, une expédition polaire dirigée par le Belge Adrien de Gerlache. Coincés pendant un hiver interminable dans les glaces de l’Antarctique, les hommes frôlent la folie. C’est là, dans la nuit sans fin, que Roald Amundsen se révèle. Calme. Ingénieux. Inflexible. Un homme fait pour l’extrême.
La Première Expédition d'Amundsen : Un Long Hiver en Antarctique
En 1897, Roald Amundsen s’embarque sur un navire qui allait marquer un tournant dans sa vie : le RV Belgica. L’équipage est majoritairement belge, mené par le capitaine Adrien de Gerlache. Leur destination : les confins de l’Antarctique. Leur objectif : l’inconnu. Leur sort : l’oubli… du moins, c’est ce qu’ils auraient pu croire.
Coincé par les glaces au large de l’île Alexander, au sud de la péninsule antarctique, le navire est englouti dans la nuit polaire. Les hommes, eux, n’ont d’autre choix que d’attendre. Ils deviennent alors les premiers à hiverner en Antarctique. Aucun retour possible. Pas d’échappatoire. Juste l’obscurité, le froid… et la folie qui rôde.
C’est là, dans cet isolement extrême, qu’Amundsen apprend. Il observe. Il écoute. Il apprend du médecin de bord, Frederick Cook, dont les méthodes de survie relèvent autant de l’instinct que de la science. Ils découvrent ensemble un remède inattendu au scorbut : la chair crue des phoques. Cette viande fraîche, riche en vitamine C, devient leur alliée contre la maladie. Une leçon que Roald n’oubliera jamais.
Il note aussi ce que d’autres négligent : les détails qui sauvent. La peau d’animal isole mieux que la laine. Le froid n’est pas un ennemi que l’on brave, mais une force que l’on apprivoise. Chaque nuit passée sur le Belgica sculpte l’homme qu’il est destiné à devenir — un explorateur du silence, un stratège des températures extrêmes, un survivant.
Le Belgica prisonnier des glaces antarctiques – Expédition 1897–1899, photo : Frederick Cook, domaine public.
Le Passage du Nord-Ouest : Un Rêve d'Enfant Devenu Réalité
L’hiver polaire avait forgé l’homme. En 1903, Roald Amundsen n’était plus l’élève — il devenait le maître. Pour sa première expédition en tant que capitaine, il ne choisit pas la facilité. Il choisit une énigme maritime, une légende meurtrière : le passage du Nord-Ouest. Une route mythique entre Atlantique et Pacifique, que les hommes tentaient de franchir depuis des siècles — et où beaucoup avaient laissé leurs os.
Son navire ? Un simple bateau de pêche de 45 tonnes, le Gjøa, modeste en apparence mais choisi avec soin. Petit, agile, au faible tirant d’eau : parfait pour serpenter entre les glaces et les côtes tranchantes. Il l’achète lui-même. Y installe un moteur de 13 chevaux. Puis il rassemble six hommes. C’est peu. Mais c’est suffisant. Amundsen ne cherche pas la gloire : il cherche la vérité.
Le Gjøa pendant l’expédition, photographie de 1903 – Domaine public.
Car derrière ce défi glacial, un objectif plus discret l’habite : vérifier si le pôle Nord magnétique a bougé depuis sa découverte en 1831. Tandis que le monde croit à un exploit géographique, lui poursuit un but scientifique. Il veut comprendre les mystères invisibles du champ terrestre.
Le périple est long. Très long. Après la baie de Baffin et le canal Perry, ils s’enfoncent dans les détroits de Peel, James Ross, Simpson et Rae. En chemin, ils atteignent l’île King William — aujourd’hui Gjoa Haven — où ils passeront deux hivers entiers. Un arrêt volontaire, presque stratégique : affronter le froid, apprendre des Inuits Netsilik, et observer.
Noël à Gjoa Haven, 1903 – Source : Bibliothèque nationale de Norvège, domaine public.
Amundsen observe, échange, et apprend. Comment survivre, comment se déplacer, comment s’habiller. Les vêtements en fourrure. Les chiens de traîneau. Les règles de vie dans un monde figé. Cette rencontre entre savoir inuit et esprit scientifique sera décisive dans ses futures conquêtes.
Il ne touchera jamais le pôle Nord magnétique. Celui-ci s’est déplacé d’environ 50 km au nord. Mais il prouve qu’il bouge. Et cette découverte — silencieuse, presque discrète — est une percée majeure pour la science de l’époque.
Après ce long hiver, l’équipage lève l’ancre. Ils croisent des icebergs, des souvenirs de naufrages anciens, puis atteignent enfin Cambridge Bay, le dernier point connu atteint en 1852 par Richard Collinson. Là, quelque part dans ce désert blanc, ils savent : ils sont les premiers à avoir réussi.
En 1906, ils atteignent Nome, sur la côte Pacifique. Mais Amundsen ne s’arrête pas là. Il parcourt près de 800 kilomètres à pied jusqu’à la station télégraphique la plus proche, à Eagle, pour transmettre au roi Haakon VII cette simple phrase : « La traversée est un grand accomplissement pour la Norvège. »
Il est célébré, élu Fellow de l’American Antiquarian Society, acclamé par les scientifiques et les navigateurs. Le Gjøa, lui, ne rentrera en Norvège qu’en 1972. Devant le musée Fram d’Oslo, il veille encore. Témoin de cette odyssée improbable devenue réalité.
Mais Roald Amundsen ne s’attarde pas. Deux hommes viennent de revendiquer la conquête du pôle Nord : Robert Peary et Frederick Cook. Qu’importe. Amundsen ne regarde pas en arrière. Il tourne le regard vers l’horizon glacé du sud.
L’Antarctique l’attend. Et avec lui, la légende.
Atteindre le Pôle Sud : Le Couronnement de Roald Amundsen
Quand le rêve du Pôle Nord lui échappa, Roald Amundsen tourna les yeux vers l’autre bout du monde — l’ultime frontière : le Sud. Mais cette nouvelle expédition, il la monta dans un silence glacial. Rien ne devait filtrer. Car dans l’ombre, un rival anglais s’agitait : Robert Falcon Scott. Deux hommes. Deux nations. Un seul objectif. Et un continent à conquérir.
Mais derrière le silence se cachait une véritable course mondiale. Le début du XXe siècle marque l’âge d’or de l’impérialisme polaire. Le Royaume-Uni et la Norvège rivalisaient pour la conquête des dernières zones vierges de la planète. Le pôle Sud n’était pas seulement un exploit géographique — c’était une victoire symbolique pour une nation. Être le premier signifiait s’inscrire à jamais dans les livres d’histoire.
Le Fram, navire mythique, quitte Oslo le 3 juin 1910 – Archives NOAA, domaine public.
Le Fram appareille d’Oslo en juin 1910. Destination officielle : inconnue. Ce n’est qu’au large de Madère qu’Amundsen révèle à son équipage la vérité : cap au Sud. Une révélation, un frisson. Le plan est en marche. Il faudra six mois pour atteindre la barrière de glace de Ross, et le 11 janvier 1911, ils établissent leur camp de base à la baie des Baleines. Ils l’appellent Framheim. Un nom sec et solide, comme le bois du navire. Position stratégique : 60 miles plus au sud que Scott. Premier avantage.
Amundsen et ses compagnons se préparent, Bibliothèque nationale de Norvège – CC BY 2.0.
Mais Amundsen n’est pas de ceux qui foncent à l’aveugle. Stratège, il cartographie son itinéraire et installe trois dépôts de vivres à 80°, 81° et 82° Sud. Chaque pas est calculé. Chaque détour, anticipé. Il ne veut pas seulement atteindre le pôle : il veut revenir vivant.
Une première tentative, lancée le 8 septembre, échoue. Températures mortelles. Esprits échauffés. Trois hommes sont écartés. Amundsen, sans pitié, recentre le groupe. Ce n’est pas l’heure des failles.
Le 19 octobre 1911, ils repartent. Cinq hommes. Quatre traîneaux. Cinquante-deux chiens. Une caravane silencieuse qui glisse dans l’immensité blanche. Le bois des traîneaux a été allégé de 90 à 20 kg. Le plan est simple : avancer vite, se nourrir de viande fraîche (y compris canine), et économiser l’énergie jusqu’au bout.
L’équipe du Fram : Wisting, Amundsen, Hassel, Bjaaland et Hanssen – Hobart, 1912.
Ils s’engagent dans un territoire inconnu. Une faille dans la montagne, qu’ils baptisent glacier Axel Heiberg, devient leur voie d’ascension. Quatre jours d’efforts pour atteindre le plateau polaire, puis trois semaines de marche dans le vent et le vide. Le 14 décembre 1911, alors que la planète entière les croit encore en route… ils plantent leur drapeau au pôle Sud.
Ils appellent leur camp Polheim. Dans la tente, ils laissent une lettre, au cas où la mort les trouverait sur le chemin du retour. Puis ils célèbrent. Chacun tient la hampe du drapeau norvégien. Une bouteille de champagne, décongelée sous un sac de couchage, passe de main en main. Le froid est partout. Mais la victoire est brûlante.
Amundsen au pôle Sud – décembre 1911, Projet Gutenberg.
Scott n’arrivera qu’un mois plus tard. Fatigué. À pied. Sans vivres ni chiens. Ses traîneaux motorisés ont cessé de fonctionner. Ses poneys sont morts. Il ignore tout des techniques inuites qu’Amundsen a intégrées à sa stratégie : fourrures, skis, igloos, chiens. Là où l’un a appris des peuples du froid, l’autre a persisté dans les dogmes occidentaux.
La différence ne tenait pas qu’à la distance ou à la météo. Elle tenait à l’approche. Amundsen avait écouté les peuples de l’Arctique. Des années plus tôt, les Netsilik lui avaient appris à survivre là où les explorateurs européens échouaient : utilisation des fourrures, construction d’igloos, maniement des traîneaux. Scott, lui, avait ignoré ces savoirs. Résultat : le pragmatisme norvégien triompha là où l’orgueil britannique succomba.
Le retour est rude, mais Amundsen et les siens rentrent à Framheim le 25 janvier avec onze chiens. 99 jours. 1800 miles. Une boucle parfaite. Tandis que Scott meurt en chemin, piégé dans une tempête à quelques kilomètres du salut.
Le 7 mars 1912, en Australie, Roald Amundsen annonce au monde l’impossible devenu réel. Il a vaincu le sud. Non par force brute. Mais par précision. Observation. Adaptation.
Comme il l’écrira plus tard :
« La victoire attend ceux qui ont tout en ordre — les gens appellent cela la chance. »
L’Antarctique n’aura jamais été aussi froid, ni aussi conquis.
Le Passage du Nord-Est : Un Dur Combat contre Dame Nature
Le Fram l’avait mené au Pôle Sud. Mais dans ses cales flottait encore l’ombre d’un autre rêve — celui de Nansen, pionnier de l’Arctique, qui avait tenté d’utiliser la dérive des glaces pour atteindre le Nord. Ce rêve, Amundsen allait le reprendre. Mais à sa manière : plus loin, plus longtemps, plus audacieusement. Le décor : le passage du Nord-Est. La scène : le plus impitoyable des théâtres.
En 1918, il met les voiles à bord du Maud, un navire taillé pour l’inconnu. Une coque renforcée. Un nom en hommage à la reine de Norvège. Et à bord, quelques compagnons fidèles, vétérans du Pôle Sud. Objectif : longer la Sibérie, puis se laisser enfermer volontairement par la glace, pour dériver lentement vers le Nord — comme Nansen avant lui, mais plus loin encore.
Le Maud, conçu pour les glaces, mais trahi par elles – 1918, Anders Beer Wilse.
Le plan était risqué. Et la glace, cette fois, n’avait aucune intention de coopérer. Le Maud s’échoue à peine dix jours après avoir quitté la côte. Le piège est refermé. L’équipage lutte, scie la glace, pousse le navire comme on pousse un rêve récalcitrant. En vain. Amundsen, de son côté, se blesse sérieusement au bras et survit à une attaque d’ours polaire. La nature le frappe, lentement, sans pitié.
Dans un dernier élan, il tente un pari fou : rejoindre Nome, en Alaska, à près de 1 000 km. Avec Wisting et Hanssen, il brave les glaces, mais doit rebrousser chemin. Le détroit de Béring est trop instable. Ils passeront donc deux hivers figés dans l’Arctique, rongés par la solitude et l’échec. Des compagnons désertent, Hanssen ne revient jamais. Le rêve de Nansen s’épuise. L’homme aussi.
Puis vient un troisième hiver. Cette fois, dans le détroit de Béring. Lentement, le Maud dérive vers Seattle. Amundsen retourne en Norvège chercher des fonds. Lorsqu’il revient, en 1922, c’est avec une autre idée : si la mer échoue, peut-être que le ciel réussira.
Il divise son équipage. Une partie poursuivra par voie maritime. L’autre — la sienne — préparera un vol polaire en avion. Le Maud, lui, ne verra jamais l’Arctique libre. Après trois hivers gelé dans l’immobilité, il est saisi à cause des dettes accumulées. Une fin triste pour un navire légendaire.
L’expédition n’atteindra jamais le pôle Nord. Mais tout n’est pas perdu. À bord, le scientifique Harald Sverdrup collecte une quantité précieuse de données climatiques, magnétiques et géographiques. Même si une partie disparaît mystérieusement dans une mission secondaire, une autre sera retrouvée bien plus tard par un chercheur russe, échouée sur les rives de la mer de Kara.
L’expédition du Maud fut une lutte lente, sans triomphe clair, sans gloire immédiate. Mais elle a révélé une autre facette d’Amundsen : celle d’un homme qui ne renonce jamais, même lorsque la glace refuse d’avancer.
Les Dernières Expéditions au Pôle Nord : L'Appel des Airs
À l’âge où d’autres prennent leur retraite, Amundsen levait encore les yeux vers les cieux glacés. Le monde au sol avait été conquis ; restait l’espace aérien, vaste, indompté. En 1923, il tente un premier envol avec Oskar Omdal, espérant relier Wainwright (Alaska) au Spitzberg en passant par le pôle Nord. Le rêve s’écrase avec leur appareil, endommagé dès les premiers kilomètres. Mais le ciel, désormais, l’obsède.
Pour continuer à voler, il faut de l’or. Amundsen entame alors une tournée de conférences aux États-Unis. Le public vient entendre l’homme des glaces ; lui, en coulisse, récolte les fonds pour acheter deux hydravions Dornier Do J : les N-24 et N-25. Avec cinq compagnons, il prend la direction du Nord absolu. En 1925, ils atteignent 87° Nord — plus proche du pôle qu’aucun avion avant eux.
Roald Amundsen à Ny-Ålesund, Svalbard – 1925, Paul Berge / Preus Museum (CC BY 2.0).
Mais l’Arctique ne pardonne pas. Le N-24 est trop endommagé. Le N-25, leur seul espoir, est pris dans la glace. Pendant des semaines, l’équipage déblaye 600 tonnes de neige à mains nues, rationnant leur nourriture à 400 grammes par jour. C’est une lutte silencieuse, où chaque geste compte, chaque souffle se pèse. Quand enfin ils décollent à bord du N-25, le pilote Riiser-Larsen sauve leurs vies dans un envol digne d’un mirage.
Dornier Do J N-25 de Roald Amundsen à 87° 43’ Nord, mai–juin 1925, Anders Beer Wilse.
L’année suivante, Amundsen veut faire plus. Aller jusqu’au bout. En 1926, il réunit une équipe improbable : vétérans norvégiens, mécènes américains et Umberto Nobile, ingénieur italien de génie. Ensemble, ils prennent place dans le Norge, un immense dirigeable à hydrogène de plus de 100 mètres. Le 11 mai, ils s’élèvent au-dessus du Spitzberg. Le 12, ils survolent le pôle Nord. Le 13, ils atterrissent en Alaska. Le rêve est devenu réalité — dans un silence d’altitude.
À bord, chacun dépose le drapeau de son pays. Norvège, Italie, États-Unis : trois nations unies dans l’éther glacé. Le monde salue l’exploit… jusqu’à ce que Richard Byrd, aviateur américain, prétende être passé avant eux. Mais en 1966, les carnets secrets de Byrd révèlent la vérité : il avait rebroussé chemin à 150 miles du pôle. Le premier vol transarctique au-dessus du pôle Nord ? Il est signé Amundsen. Et l’histoire ne le conteste plus.
Épuisé, honoré, Amundsen semble enfin vouloir poser le sac. Il retrouve sa maison à Svartskog, près d’Akershus, refuge paisible aux abords du fjord. Le bois craque, les souvenirs reposent. Il envisage le repos. Mais le monde ne laisse jamais vraiment partir ses légendes.
Maison d’Amundsen à Svartskog – Bibliothèque nationale de Norvège, 1909.
Car l’appel des glaces ne se tait jamais. Il allait l’entendre, une dernière fois.
Une Légende née en Antarctique, Disparue en Arctique
L’égo est parfois plus froid que les pôles. Après leur victoire commune, le vent tourne entre Amundsen et Umberto Nobile. L’Italien cherche à revendiquer le mérite du vol transarctique. Il multiplie les déclarations, cherche la lumière. Et pour prouver qu’il peut, lui aussi, triompher seul, il organise en 1928 une expédition indépendante à bord du dirigeable Italia.
Le 18 juin, le Italia s’écrase sur la banquise. Huit hommes meurent. Le reste de l’équipage dérive dans l’attente d’un miracle. Et Amundsen, malgré les trahisons passées, entend l’appel. Il part pour une dernière mission : sauver des vies. À bord d’un Latham 47 français, il s’envole avec les pilotes René Guilbaud et Leif Dietrichson, vers un ciel sans retour.
Le Latham 47 à Tromsø, dernière photo connue d’Amundsen – 18 juin 1928.
On ne saura jamais vraiment ce qu’il s’est passé. Le signal radio s’est tu dans un brouillard épais. Puis plus rien. Quelques fragments d’épave s’échouent sur les côtes de Tromsø. Les corps, eux, ne seront jamais retrouvés. Après deux mois de recherches, la Norvège baisse les bras. Amundsen a disparu dans l’Arctique. Avalé par son propre royaume.
Ironie tragique : Nobile sera sauvé quelques semaines plus tard, tout comme six autres survivants. Amundsen, lui, reste introuvable. Des missions ont été relancées en 2004, en 2009, même avec des sous-marins. Plus de 100 km² de banquise ont été scrutés. En vain. La glace garde ses secrets.
Conclusion
Certains hommes vivent des aventures. D’autres les incarnent. Roald Amundsen faisait partie des seconds. Il a tracé des routes dans les zones blanches de nos cartes, affronté les ténèbres polaires, mis en échec les lois de la nature par la rigueur, l’intelligence, l’humilité — et l’audace.
Premier homme au Pôle Sud. Premier à franchir le Passage du Nord-Ouest. Premier à survoler le Pôle Nord. Mais surtout, premier à comprendre que pour survivre aux pôles, il fallait écouter ceux qui y vivent, observer, s’adapter — et non dominer.
Son nom résonne encore dans les glaces. Sur les cartes. Dans les stations scientifiques comme Amundsen-Scott. Dans les manuels. Dans les cœurs. Il est devenu plus qu’un explorateur : un symbole d’endurance, de savoir, de grandeur.
Amundsen ne repose dans aucun tombeau. Il est là où il a toujours voulu être : quelque part entre la mer, le ciel et la glace. Et tant que l’on parlera des pôles, son ombre planera dans le vent du Nord.
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